
Principales thèses et déclarations du président Emmanuel Macron à l'issue de la réunion de Paris sur l'Ukraine
Emmanuel MACRON
Mesdames et messieurs, merci d’être là pour cette conférence de presse à l’issue du sommet que nous venons de tenir à Paris. En effet, en cette troisième année de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, nous sommes très clairement à un point de bascule. Les négociations ont débuté, j'y reviendrai. Elles sont bienvenues. Et je souhaite saluer à la fois le rôle du président TRUMP, avec lequel j'ai été en contact permanent ces dernières semaines, et le courage du président ZELENSKY, avec lequel il est aussi de notoriété publique que nous sommes en lien étroit et permanent.
Notre objectif est clair, c'est de gagner la paix. Nous devons pour cela placer l'Ukraine dans la meilleure position possible pour négocier et nous assurer que la paix qui sera négociée puisse être solide et durable pour les Ukrainiens et l'ensemble des Européens. C'était le sens de la réunion de ce jour, dans le prolongement de l'initiative lancée à Paris le 17 février dernier, qui a été ensuite poursuivie avec la réunion que nous avons tenue à Londres quelques semaines plus tard. Alors aujourd'hui, s'est donc tenue cette réunion où 31 pays étaient rassemblés, aux côtés du secrétaire général de l'OTAN et des institutions de l'Union européenne. Ces 31 pays forment cette coalition d'action pour une paix solide et durable. Basée sur le volontariat et la mobilisation de chacun, nous avons d'abord exprimé une vue commune sur la situation.
D'abord, notre volonté de rester unis et, au fond, de tout faire pour, justement, construire cette paix par la force, pour reprendre la formule qui avait été initialement prise par le Président TRUMP. Ensuite, nous avons tous acté du fait que l'Ukraine, il y a quelques jours à Djeddah, avait eu le courage d'accepter un cessez-le-feu de 30 jours inconditionnel. Et que depuis cette décision et cette annonce ukrainienne, il n'y a eu aucune réponse russe. Il y a eu des conditions nouvelles posées pour des cessez-le-feu beaucoup plus partiels et hypothétiques. Et dans le même temps, chaque jour, des frappes de plus en plus fortes, s'intensifient.
Dans ce contexte, notre volonté est de saluer l'effort de paix américain, de continuer à échanger avec les États-Unis d'Amérique pour porter notre vision des choses et nos priorités, mais aussi de ne laisser passer aucun des récits ou des contre-vérités qui sont aujourd'hui poussés par la Russie, comme ces derniers jours l'ont montré lors des discussions à Riyad sur la question de la mer Noire, où la Russie, par ses discours et ses communiqués, a en fait complètement réinventé ce qui s'est passé depuis 3 ans. Néanmoins, nous sommes tous lucides et nous tirons tous le même constat : il y a une volonté de paix, il y a des discussions. Y a-t-il des négociations de paix ? C'est assez difficile de conclure qu'il y aurait des négociations de paix quand ces discussions parallèles ont conduit à 3 communiqués distincts qui disent 3 choses différentes. Un communiqué américano-ukrainien, un communiqué américano-russe et un communiqué russe encore différent du précédent. Ce contexte crée beaucoup d'incertitudes et nous avons donc la volonté, nous, d'avoir un message très clair poursuivant l'objectif que je viens d'évoquer.
Le premier message clair, c'est que nous allons continuer de soutenir à court terme le peuple ukrainien et l'armée ukrainienne. C'est une nécessité pour pouvoir être dans les meilleures conditions possibles pour préparer la paix et c'est une nécessité pour éviter ce qui est au fond le projet très clair de la Russie ces derniers jours et ces dernières semaines : faire semblant d'ouvrir des négociations pour décourager l'adversaire et en même temps intensifier les attaques, puisque c'est exactement ce qui est en train de se passer.
À cet égard, les priorités qui ont été identifiées par nos partenaires ukrainiens en matière d'artillerie, de munitions ou de défense sol-air ont donné lieu à des mobilisations et des annonces ce matin par plusieurs collègues, pour mobiliser aussi des financements requis. Je veux saluer ici ce que la Suède, la Norvège, l'Allemagne et plusieurs d'autres ont annoncé ces derniers jours ou ce matin, d'efforts additionnels auxquels s'ajoutent les 2 milliards d'euros de soutien bilatéral que nous avons, hier, annoncé avec le président ZELENSKY et qui est à nouveau un nouvel ensemble d'aide de la France à l'égard de l'Ukraine et de son armée.
Le soutien en matière de drones, de satellites, de coproductions aussi en Ukraine ont été identifiées en même temps que de nouveaux programmes de formation des armées ukrainiennes. Tout cela a donc fait l'objet d'un temps de discussion où l'unanimité a prévalu et les décisions ont aussi été prises d'accélérer le décaissement des prêts qui avaient été décidés en G7, le fameux système ERA, pour permettre en particulier à l'Ukraine de financer encore plus rapidement les achats en termes d'artillerie qui sont une de ses priorités. Donc la Commission européenne, et je remercie la présidente, a annoncé cela.
En termes de soutien de court terme à l'Ukraine, nous avons aussi acté de manière unanime le fait que le temps n'était pas à la levée des sanctions, quelles qu'elles soient, et il ne saurait y avoir une politique de levée des sanctions avant que la paix soit clairement établie. Nous avons donc pour intention de maintenir la pression économique, en particulier sur les flottes fantômes, sur aussi certaines capacités industrielles. Nous allons continuer à nous mobiliser sur ce point.
Ensuite, nous avons évoqué la préparation et le suivi du cessez-le-feu, qui est au fond le deuxième élément clé après le soutien de court terme à l'armée ukrainienne. Là-dessus, comme vous le savez, nous sommes en train de préparer, et c'est le cœur même de la proposition ukraino-américaine, un cessez-le-feu dans les airs, en mer et sur les infrastructures civiles. Là-dessus, il est important de pouvoir finaliser les moyens de surveiller le respect de ce cessez-le-feu. Plus largement, il y a beaucoup de discussions qui sont en cours, éparses, sur la manière ensuite de suivre la situation une fois que la paix sera signée. Faut-il donner une responsabilité à l'OSCE, ce qui était le cas entre 2014 et 2022 ? Faut-il qu'il y ait un mandat donné aux Nations unies pour que des forces de maintien de la paix surveillent, justement, la ligne de front, en tout cas, entre l’Ukraine libre et des territoires qui seraient occupés ? Faut-il un système de surveillance ad hoc ? Autant de questions juridiques, techniques d'une extrême importance, qui ont fait que nous avons décidé, là, de mandater nos ministres des Affaires étrangères pour faire, dans les 3 semaines, une proposition très concrète de suivi, justement, d'un cessez-le-feu de court terme et d'un cessez-le-feu durable, suivi institutionnel et pratique, qui pourra ensuite être échangé avec nos partenaires américains.
Ensuite, vient la question des fameuses garanties de sécurité. Une fois la paix signée, comment s'assurer que l'Ukraine pourra rester libre, stable et ne subira pas de nouvelles agressions russes ? À ce titre, nous avons tous partagé le fait qu’on manque de clarté encore sur les conditions de signature et qu'il y a un manque de clarté sur la nature des engagements américains le jour d'après. Néanmoins, nous avons acté, je dirais, 3 axes de travail pour, justement, maintenir cette paix durable et solide une fois un accord de paix signé.
Le premier élément de la sécurité des Ukrainiens et des Européens, c'est une armée ukrainienne forte, bien équipée le jour d'après. Et il y a unanimité de tous les participants aujourd'hui sur ce point. C'est pourquoi, de manière très concrète, nous avons acté que le premier ministre britannique et moi-même donnions mandat à nos chefs d'État-major des Armées pour qu'une équipe franco- britannique puisse être déléguée dans les prochains jours en Ukraine et puisse travailler de manière très étroite avec nos partenaires ukrainiens, qui ont acté également ce mécanisme, pour préparer, justement, dans tous les domaines, le format, ce que sera le format de l'armée ukrainienne de demain. Quelle armée de terre, quelle capacité maritime, quelle capacité aérienne, quel format, c'est- à-dire en termes de taille, de nombre de soldats, quels équipements pour pouvoir répondre à une éventuelle agression russe et dissuader la Russie d'une telle agression. Ceci permettra ensuite de rentrer dans des travaux de planification qui permettront de clarifier les contributions de chaque pays membre de notre coalition pour donner de la visibilité à l'Ukraine et avoir un plan d'action maintenant très précis.
Le deuxième élément de garantie de sécurité, ce sont les forces de réassurance que nous pourrions déployer le jour d'après en Ukraine. Ces forces de réassurance, c'est l'objet de la proposition franco- britannique d'il y a plusieurs semaines, n'ont pas vocation à être des forces de maintien de la paix. J'ai répondu hier à l'un de vos collègues pour bien clarifier ce point. Elles n'ont pas vocation à être des forces présentes sur la ligne de contact. Elles n'ont pas vocation à être des forces qui se substituent aux armées ukrainiennes. Mais, ce seraient des forces de quelques États membres présents, parce qu'il n'y a pas unanimité sur ce point. Certains États n'ont pas la capacité de le faire, d'autres, le contexte politique qui le leur permet ou l'accord, mais ce seraient des forces présentes dans certains endroits stratégiques pré-identifiés avec les Ukrainiens qui signeraient un soutien dans la durée, une réassurance des Européens et auraient un caractère de dissuasion à l'égard d'une potentielle agression russe. Ceci sera travaillé par nos chefs d'État-major dans le cadre de la mission que je viens d'évoquer, ce qui permettra d'avoir la carte des points qui sont évoqués et un accord aussi sur le format de ces forces de réassurance. Il est très clair et il a été très clairement établi que ces forces de réassurance ne sauraient en aucun cas se substituer ou réduire l'effort qui est collectivement le nôtre sur le flanc est de l'OTAN. Ça viendrait en plus, et d'ailleurs sur un mode opératoire qui peut parfois ressembler à ce que nous faisons dans certains de ces pays.
Le troisième axe, en termes de garantie de sécurité, c'est évidemment notre propre défense. Et je crois qu'il y a une unanimité autour de la table pour dire que les Européens étaient beaucoup plus unis qu'il y a quelques semaines, beaucoup plus audacieux et beaucoup plus déterminés, et surtout convaincus, tous, qu'au fond, ce qui se joue en Ukraine aujourd'hui et dans les semaines à venir c’est la sécurité des Européens dans la durée. Et donc, fort de cela, nous avons aussi acté de renforcer notre réponse en termes d'architecture de sécurité pour notre continent. D'abord en actant justement tout ce qui a été fait au niveau de l'Union européenne et de chacun des États membres, c'est-à-dire accroître nos capacités, notre investissement dans nos armées et nos forces pour dissuader, pour préparer dans la durée la paix du continent, accroître aussi la coordination entre nos industries de défense et nos armées pour agir ensemble.
Et puis, nous avons donc acté également d'un travail conjoint pour définir les demandes et les exigences qui seront les nôtres à l'égard de la Russie pour renforcer notre sécurité collective, laquelle s'est dégradée ces dernières années, dégradée par les décisions d'ailleurs des États-Unis d'Amérique et de la Russie, de sortir du traité FNI, par exemple, mais dégradé aussi par le déploiement de capacité de missiles ou de forces supplémentaires russes en Biélorussie, pour ne citer qu'un autre exemple.
Voilà les principales conclusions du sommet qui vient de se tenir. Celui-ci a aussi conclu un mandat qui nous a été donné par nos collègues. Au fond, ils nous ont demandé, avec le Premier ministre STARMER, d'assurer ensemble le copilotage de cette coalition et de pouvoir ensemble coordonner les initiatives et les comptes rendus pour garder le momentumministre STARMER, nous allons assumer cette responsabilité ensemble de piloter cette coalition d'action pour une paix solide et durable, ce qui fait que, dès la semaine prochaine, nos conseillers diplomatiques prendront plusieurs initiatives et poursuivront les décisions qui ont été prises, de même que nos chefs d'État-major des armées, ensemble, pour poursuivre sur la base de la mission et des mandats que je viens d'indiquer.
Je vais maintenant répondre à vos questions.
Journaliste
Vous avez parlé de ces forces de réassurance. Il me semble que vous en avez parlé au conditionnel. Est-ce que vous pouvez nous dire, en cette matière, qu'est-ce qui a été acté aujourd'hui ? Est-ce que le principe d'envoyer des forces de réassurance européennes ou de pays membres de l'OTAN ou alliés de l'Ukraine a été acté aujourd'hui ? Est-ce que, quoi qu'il en soit, le jour où il y aura un accord de paix, il y aura une force de réassurance pour l'Ukraine ? Est-ce que la France y prendra part et de quelle manière ? Est-ce qu'il a été acté aussi un volet terrestre à ces forces ou uniquement aérien ? Ou est-ce que c'est encore à discuter en fonction de la réponse de la Russie ? Merci.
Emmanuel MACRON `
Aujourd'hui, ces forces de réassurance sont une proposition franco-britannique. Elle est actée par la Grande-Bretagne et la France. Elle est souhaitée par l'Ukraine. Et elle est aussi actée par plusieurs États membres qui ont marqué leur volonté de s'y joindre. Elle ne fait pas l'unanimité aujourd'hui, et c'est connu. D'ailleurs, nous n'avons pas besoin de l'unanimité pour ce faire. Et donc, comment nous allons préparer les choses ? Par la mission qui a été confiée aux deux chefs d'état-major des armées, britanniques et français. Ils vont bâtir une équipe qui va se rendre et travailler avec une équipe ukrainienne. Les Ukrainiens vont nous dire exactement où sont leurs besoins. J'ai eu cette discussion hier avec le président ZELENSKY. Ils ont une idée très claire des besoins et des zones critiques où ils veulent que ces forces de réassurance soient déployées. Donc, ce sont ces échanges entre militaires qui définiront les lieux, le nombre de forces pour que ce soit crédible, et les capacités. Rien n'est exclu à date, et nous regardons le maritime, l'aérien et le terrestre.
Mais vous l'avez bien compris, on appelle bien force de réassurance, et ça ne se substitue pas ni à des forces qui assureraient du maintien de la paix sur la ligne de contact, ni à une armée ukrainienne que nous voulons robuste. Ces forces de réassurance, elles feront partie du paquet qui sera discuté. Et l'armée ukrainienne et les forces de réassurance, aujourd'hui, la Russie s'y oppose, puisque la Russie a toujours dit qu'elle ne voulait même pas d'armée ukrainienne. Donc, je vous rassure, il n'y a pas d'accord de la Russie.
Je vous rassure aussi, l'idée que nous nous faisons du droit international et que ce n'est pas la Russie qui va choisir ce qui se passe sur le territoire ukrainien. Donc, c'est bien acté et nous allons avancer et y travailler. Et donc, il y aura bien une force de réassurance avec plusieurs pays européens qui se déploieront.
Journaliste
Bonjour, Monsieur le Président, ma question, c'est, souhaitez-vous que la Chine joue un rôle plus actif dans les futures négociations de paix et le maintien du cessez-le-feu, ainsi que dans la reconstruction de l'Ukraine après la guerre ? Et de plus, le ministre des Affaires étrangères a commencé sa visite aujourd'hui en Chine. Est-ce que la question de l'Ukraine est le point central de cette visite ? Et qu'attendez-vous de cette visite, s'il vous plaît ? Merci.
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. J'ai en effet demandé au ministre des Affaires étrangères de se rendre en Chine pour échanger d'abord sur les nombreux dossiers bilatéraux, ils sont multiples, et les grandes questions internationales. L'Ukraine fait partie des dossiers prioritaires sur ces grandes questions internationales. Et je souhaite pour ma part que la Chine, en effet, puisse jouer un rôle actif. Et compte tenu de la qualité du dialogue qui est le sien avec la Russie, compte tenu de l'initiative de paix qu'elle avait prise en lien avec le Brésil il y a quelques mois, je souhaite qu'en effet le président Xi puisse avoir un rôle tout à fait actif pour nous aider à bâtir cette paix solide et durable. Et je pense que la Chine est plus que légitime pour le faire en tant que membre permanent du Conseil de sécurité et compte tenu des initiatives précédemment prises.
Journaliste
Bonjour Monsieur le Président, ma question porte sur les 2 milliards d'euros d'aides supplémentaires que vous avez annoncés hier pour l'Ukraine. Est-ce réaliste aujourd'hui de penser que cela pourra se faire sans hausse d'impôt à terme pour les Français avec une dette qui dépasse les 3 000 milliards d'euros ? À quoi les Français doivent-ils s'attendre ? Dans les prochains mois, faudra-t-il rogner sur les services publics ou les dépenses sociales ? Ou au contraire, en faites-vous une ligne rouge ? Et enfin, votre réflexion peut-elle évoluer sur le gel des avoirs russes, sur la saisie des avoirs russes, largement soutenue par les États membres de l'UE dans l'Europe de l'Est ? Merci beaucoup.
Emmanuel MACRON
Sur votre première question, d'abord, je veux dire qu'une bonne partie de ces sessions sont intégrées dans la trajectoire de notre loi de programmation militaire, qui, justement, parce que nous avons accéléré, et je rappelle que les deux lois de programmation militaire, qui font partie de notre architecture financière et de notre trajectoire, ont intégré un programme inédit de renouvellement de nombre de nos capacités. Ces deux lois, d'ailleurs, auront doublé le budget de nos armées.
Donc précisément parce que nous avons anticipé, nous n'avons pas attendu ni ces dernières semaines ni même ces deux dernières années pour faire cet investissement. Nous avons la possibilité de céder des matériels que nous utilisions jusqu'à récemment parce que nous sommes en train de les renouveler. C'est une partie de l'effort du paquet des 2 milliards. D'autre part, nous avons aussi accéléré la production, ce fameux effort de guerre et l'économie de guerre des 3 dernières années. Et en accélérant la production, on achète aussi plus de capacités auprès de nos industriels qu'on cède aux Ukrainiens. Donc cet effort et ces 2 milliards annoncés hier sont tout à fait soutenables. Ils seront détaillés par le ministre des Armées auprès des Commissions, à l'Assemblée, au Sénat et devant l'intégralité des Parlementaires, et cela fait partie de notre trajectoire.
À côté de cela, nous avons pour nous-mêmes à accélérer et à accroître notre effort de défense compte tenu de l'accroissement de la menace, ce que j'évoquais il y a quelques jours auprès des Français. C'est là-dessus qu'un travail est en cours, mené par le gouvernement, qui a identifié, à ma demande, toutes les lignes d'effort qui vont nous conduire justement à accroître nos investissements militaires, pour rendre la nation plus forte et pour tenir la paix, si je puis dire, sur notre continent et pour notre pays. Et à cet égard, le Gouvernement prévoit aussi les réformes qui permettront de financer ce travail. Et donc, c'est dans les prochaines semaines que ce travail sera achevé sous la supervision du Premier ministre. Et en temps voulu, une fois qu'il sera terminé, c'est le Premier ministre et les ministres qui vous détailleront tout cela.
Sur la question des avoirs russes qui sont gelés. Je veux ici rappeler le cadre juridique international qui est connu et est très clair. En droit international, nous n'avons pas le droit de saisir des avoirs gelés, nous n'avons pas la base juridique pour le faire. Ce que nous avons fait, c'est que ces avoirs gelés, qui sont de l'ordre d'un peu plus de 230 milliards d'euros, dont une bonne partie est détenue dans le système Euroclear, système européen, qui est sous droit belge, la France est actionnaire, d'ailleurs, de ce système. C'est que tous les revenus financiers qui sont dégagés par ces avoirs gelés, ce sont ces revenus qui nous servent à payer l'effort de soutien à l'Ukraine. Et donc, dans les 2 milliards d'euros que je viens d'évoquer et que vous avez mentionnés dans votre première partie de question, il y a une partie qui est financée grâce à notre effort dit ERA, qui était, vous savez, les 50 milliards de financements en G7. Les Européens ont fait 18 milliards de prêts aux Ukrainiens, dont 9 milliards pourront être utilisés sur le militaire, ce qu'on va faire pour payer ce matériel pour partie. Cela est gagé sur les intérêts et les revenus de ces 230 milliards d'euros d'actifs gelés. Donc nous utilisons les actifs gelés parce qu’ils donnent pour payer, permettre justement ces prêts et cet effort de guerre. Maintenant, aujourd'hui, nous n'avons pas le cadre pour les saisir et on ne peut pas tout à la fois prendre les revenus de ces actifs et les saisir. Il faut choisir. Nous, on a pris les revenus et on se conforme au droit international. Par contre, la question va se poser dans le temps de savoir si nous ne devons pas mettre ces 230 milliards d'euros d'actifs au fond dans la question du règlement du conflit. Et parce que la Russie ayant massivement détruit l'Ukraine, il est normal qu'elle contribue aussi, pour partie, à sa réparation sur le plan financier. Mais ça, ça fera partie des discussions, justement, de paix et du jour d'après. Voilà le statut de ces 230 milliards d'euros. Et je pense qu'on a raison d'être rigoureux sur ce point. Et donc en ce moment, nous travaillons vraiment au cadre juridique, à l'avancée de tout cela, en lien très étroit avec la Commission européenne et le gouvernement belge.
Journaliste
Monsieur le Président, vous avez évoqué cette incertitude sur les États-Unis, mais aussi plusieurs pays européens ont dit que c'est nécessaire, le soutien américain pour l'envoi des troupes de paix ou des troupes de réassurance. Et je ne sais pas s'il y a eu une réaction de votre part, si c'était traité aujourd'hui. Et les propos de Steve WITKOFF, l'envoyé spécial de la Maison-Blanche, qui a dit que c'est une posture simpliste, absurde cette idée, cette proposition d'envoi des troupes, quelle est votre réaction, et aussi est-ce que le soutien américain est nécessaire pour les accords entre Européens ici, aujourd'hui, à Paris ? Merci.
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. Écoutez, j'aurais, au fond, une approche très stoïcienne de la question. Nous ne pouvons décider que pour ce qui dépend de nous. Et donc nous avons décidé pour ce qui dépend de nous, et c'est déjà important. Et nous, on est clair sur ce qu'on va faire à court terme pour l'Ukraine, comment on va préparer le cessez-le-feu, comment on est prêts ensuite à bâtir des garanties de sécurité, armée ukrainiennes forte, force de réassurance et augmentation de notre effort de défense pour nous-mêmes. Ensuite, il faut espérer le meilleur, mais se préparer au pire. Et donc, mon souhait est que les Américains soient engagés à nos côtés, et mon souhait est que les Américains assurent justement un soutien, voire une participation active à tout cela, parce que c'est bon pour leurs alliés européens, c'est bon pour l'OTAN, c'est bon pour nous tous. Mais nous devons nous préparer à une situation où peut-être, ils ne se joindraient pas. Il faut se préparer aux deux cas. Mais on ne peut pas dire : si les Américains ne se joignaient pas, alors on ne ferait rien. Parce que ça signifierait qu'il n'y a pas de paix solide et durable en Europe et pour les Européens sans les Américains. Non. Et donc c'est aussi pour cela que, je vous l'ai dit il y a plusieurs semaines, nous sommes à un moment décisif de l'histoire où il nous faut, pour la première fois depuis très longtemps dans nos discussions, nous préparer à un scénario qui est possible, qui n'est pas celui qu'on souhaite, mais qui est de devoir totalement agir seuls pour nous-mêmes. Ça s'appelle la sortie de l'état de minorité géopolitique. C'est une bonne chose pour l'Europe.
Journaliste
Ce sont encore des alliés fiables ?
Emmanuel MACRON
Les États-Unis sont des alliés fiables, c'est pour ça que je ne ferai pas de commentaire sur les commentaires. Et quand les gens disent des mots un peu rapides dans des émissions de télévision, il ne faut jamais ensuite commenter parce qu'on fait du suraccident. Et donc les États-Unis d'Amérique sont des alliés fiables. Ils sont des alliés qui nous ont beaucoup aidés en Ukraine depuis le début de cette guerre, qui essaient de mener des négociations de paix qui sont utiles. La volonté du président TRUMP, nous la partageons, et les efforts qu'il mène, nous les saluons. Mais après, nous, nous avons des intérêts qui ne sont forcément pas les mêmes, parce qu'il y a un océan au milieu. Et donc, si à un moment donné, les intérêts américains ne sont pas forcément les nôtres et que les priorités américaines ne sont pas forcément les nôtres, tout en nous respectant, il faut qu'on puisse, nous, défendre nos intérêts, surtout quand nos intérêts s'appellent notre sécurité. Voilà. Et donc ça, ça n'est pas dépendant des décisions d'un tel ou d'un tel, ça doit être notre décision.
Journaliste
Bonjour Monsieur le Président. Pour prolonger peut-être la question de ma consœur. Les Américains ne sont pas là aujourd'hui, mais vous avez eu Donald TRUMP il y a quelques heures au téléphone. La Maison-Blanche a fait savoir que le sommet d'aujourd'hui était utile. Que vous a dit Donald TRUMP ? Est-ce qu'il a pris des engagements auprès de vous ? Sachant que parallèlement, sur un autre dossier, Donald TRUMP compte appliquer des droits de douane très importants à l'encontre de la France, mais pas seulement. Il parle de 25 % sur l'auto. Est-ce que vous prenez cette menace au sérieux ? Et quelle réponse, quelles représailles éventuelles vous imaginez ? Et puis enfin, je me fais l'écho de mes confrères et consœurs français. On voulait vous poser une question sur Boualem SANSAL, qui était condamné à 5 ans de prison ferme. Comment est-ce que vous accueillez cette décision et que demandez-vous au président algérien éventuellement ? Merci.
Emmanuel MACRON
J'ai eu le président TRUMP cette nuit et je l'aurai dans quelques heures pour aussi lui faire part de nos échanges et de nos conclusions. Le président TRUMP, sa priorité, c'est de parachever les discussions en cours avec la Russie. Et je pense que c'est une très bonne chose. Et donc, il y a eu un accord, je l'évoquais tout à l'heure, important, il y a maintenant 15 jours, entre les Américains et les Ukrainiens, qui a permis d'établir cette proposition de cessez-le-feu pour 30 jours, inconditionnel, dans les airs, en mer et sur les infrastructures. Et ça, c'est vraiment un acquis du travail des dernières semaines. Nous avons modestement aidé avec les Britanniques, les Allemands pour convaincre aussi le président ZELENSKY, mais c'est très courageux de la part du président ZELENSKY et c'est vraiment une réussite de l'action du président TRUMP.
Maintenant, le président TRUMP, c'est normal, il se retourne vers les Russes et dit, vous êtes l'agresseur, l'agressé est d'accord pour cesser les hostilités sans condition, vous devez faire pareil. Donc, je pense que le président TRUMP, il attend une réponse claire de la Russie. Il a raison. Et nous, on est derrière lui. Et donc, je pense que s'il a cette réponse claire de : « la Russie ne vient pas », à juste titre, le président TRUMP se sentira floué, trahi. Et donc là, il devra réagir. Mais, je ne me mets pas à sa place. J'essaie juste de décrire comment les choses vont normalement se passer. Donc c'est ça, sa priorité du moment. Dans ce contexte, nous, on fait un travail complémentaire qui est de dire, en parallèle de ces négociations, nous, on prévoit tout le reste, si je puis dire : continuer d'aider l'Ukraine pour ne pas qu'il y ait de problèmes à très court terme, en tout cas les aider à résister, préparer les conditions et l'encadrement d'un cessez-le-feu le jour où il sera signé, et puis réussir à soutenir l'Ukraine pour que, quand cette paix soit signée, elle soit vraiment robuste et durable et qu’on dissuade la Russie de remmener une agression. Donc, c'est un travail complémentaire, et nous sommes en coordination, et on verra dans les prochaines heures, les prochains jours, si ça arrive, et je pense que, au fond, le juge de paix, ce sera la capacité des Américains à obtenir un cessez-le-feu inconditionnel pour 30 jours des Russes. C'est ça. Et si les Russes ne le donnent pas... ça veut dire qu'ils ne seront pas au rendez-vous, il faudra que les Américains en tirent les conséquences. Si les Russes le donnent, ce sera une réussite, et on pourra passer à l'étape d'après.
Sur votre deuxième question. Pour le coup, je pense que ce n’est pas une bonne idée. Je l'ai dit au président TRUMP, et je l'ai redit hier, et je continue à lui dire. Au moment où, on le voit bien, les marchés aux États-Unis ne considèrent a priori pas que ce soit une très bonne politique économique, au moment où, à juste titre, le président TRUMP demande aux Européens de faire davantage d'efforts militaires pour assurer eux-mêmes leur sécurité, en disant, c'est à vous de faire, ce n'est plus à nous de payer pour vous, ce n'est pas le moment de nous imposer des tarifs. Donc ce n'est pas cohérent. Bon, la deuxième chose, c'est que ça détruit de la valeur pour tout le monde. Je ne vais pas faire ici de la théorie économique, mais le commerce international s'est structuré de telle manière, et en particulier entre les États-Unis d'Amérique et l'Europe, qui fait que le commerce crée plutôt de la croissance, de l'innovation et du progrès pour nos deux sociétés.
Mettre des tarifs, c'est casser des chaînes de valeur, c'est, à court terme, créer un effet inflationniste et plutôt détruire des emplois. Donc ça n'est pas bon, ni pour l'économie américaine, ni pour l'économie européenne, comme ça n'est pas bon pour l'économie canadienne ou mexicaine. Et je trouve qu'il y a une forme de paradoxe, avoir les principaux alliés des États-Unis et être les premiers taxés. Si la géopolitique du moment, c'est de dire la priorité est de taxer le Canada, le Mexique et les Européens et de ne pas bouger sur le reste, je n'ai pas compris alors l'ordre des choses et la géopolitique qui était suivie.
Donc, je pense que ça n'est pas une bonne idée économique, je pense que ce n'est pas une bonne idée géopolitique, je pense que ce n'est pas une bonne idée en termes de moments. Si ça devait advenir, je le regretterais. Et évidemment, à coup sûr, les Européens se protégeraient en répondant. Et le but d'une réponse riposte, ce ne sont pas les Européens qui sont agressifs sur le plan tarifaire, ce serait de trouver un accord pour ensuite démonter tous ces tarifs. C'est comme ça qu'on fait. Mais enfin, tout ça fait plutôt perdre du temps et va créer beaucoup d'inquiétude dans de nombreux secteurs. Et donc, on va aussi veiller de manière très étroite à accompagner avec la Commission européenne l'ensemble des secteurs économiques qui seront touchés, et apporter des réponses à l'égard des uns et des autres.
En tout cas, je pense que ce n'est pas une décision qui permet d'améliorer le progrès et la prospérité dans nos sociétés. Et donc, j'espère que, peut-être après des annonces qui viendront, le Président TRUMP les revisitera et pourra revenir sur cette décision.
Enfin, vous m'avez interrogé sur un tout autre sujet qui est le jugement à l'égard de Monsieur Boualem SANSAL, qui, comme vous le savez, est un grand écrivain franco-algérien. Je veux ici dire tout mon soutien à Monsieur SANSAL, à lui et à sa famille. Et je souhaite vivement qu'après ce jugement, il puisse y avoir des décisions claires, je dirais, humaines et humanitaires, par les plus hautes autorités algériennes pour pouvoir lui redonner sa liberté et lui permettre à la fois de redevenir un homme libre et de se soigner parce qu'il combat aussi la maladie. Et je sais pouvoir compter sur, à la fois, le bon sens et l'humanité des autorités algériennes pour prendre une telle décision. En tout cas, je l'espère fortement.
Journaliste
Bonjour, Monsieur le Président. Une question sur POUTINE, qui représente toujours une menace existentielle pour l'Europe. Quel levier l'Europe a-t-elle pour pousser POUTINE à accepter un cessez-le- feu, étant donné la position des États-Unis ? Vous avez déjà évoqué le rôle de Donald TRUMP. Est-ce qu'on peut encore faire confiance à POUTINE alors qu'il ne tient jamais parole ? Comment négocier avec lui après la guerre, à votre avis, Monsieur le Président ?
Emmanuel MACRON
Nos leviers sont ceux que nous activons depuis le début. Aider l'Ukraine à résister et ne pas faiblir, montrer que nous serons aux côtés de l'Ukraine dans la durée pour prévenir des nouvelles violations de son territoire et maintenir les sanctions. Et je pense que c'est pour ça que nous avons eu ce message très clair. Quiconque sera faible sur les sanctions s'enlève des leviers à l'égard de la Russie pour mener ensuite une négociation qui serait crédible.
Ensuite, je pense que les Américains ont aussi beaucoup de leviers et qu'aujourd'hui, ils sont engagés dans une négociation. Mais j'ai confiance dans le fait que si les Russes venaient à ne pas répondre à la proposition de trente jours de cessez-le-feu, les Américains ont la possibilité d'accroître les sanctions, de prendre des sanctions secondaires, de prendre des sanctions beaucoup plus fortes qui auraient un effet à coup sûr une pression sur la Russie.
Ensuite, il faudra négocier avec la Russie la suite et se remettre autour de la table, et nous le ferons, et nous serons autour de la table pour discuter avec le président POUTINE et l'ensemble des équipes qui auront ces mandats de négociation le jour d'après pour l'Ukraine et pour nous, Européens.
Journaliste
Monsieur le Président, vous évoquiez tout à l'heure votre conversation avec le Président ZELENSKY dans laquelle, disiez-vous, il vous a donné une vision très claire de ce dont il avait besoin. Est-ce que vous avez le sentiment que ces besoins sont satisfaits aujourd'hui à l'issue de la discussion que vous avez obtenue ? Et plus largement, quel est, s'il est possible de le dire, selon vous, le calendrier idéal, le calendrier possible pour atteindre les objectifs de cette armée ukrainienne prête à assurer une paix durable et de cette force de réassurance prête à se déployer ?
Emmanuel MACRON
Écoutez, il appartient au Président ZELENSKY de répondre à votre première question. Je pense en tout cas qu'il a eu des réponses très claires et très précises sur les demandes de court terme qui étaient les siennes. Avoir plus rapidement les financements pour l'effort en termes d'artillerie, avoir du soutien de défense sol-air et de munitions, avoir des capacités de combat dans des registres critiques, et à la fois avec les annonces de 2 milliards faites hier, les annonces faites aujourd'hui par plusieurs collègues et l'annonce faite par la Commission européenne d'accélération en termes de financement, je crois qu'il a eu ces réponses-là.
Maintenant, je le dis avec beaucoup d'humilité, tout ce que nous faisons et qui sont des investissements importants de nos Nations dans des contextes - votre collègue l'a rappelé tout à l'heure - budgétaires, qui sont très tendus dans nos pays, ne sont que peu de choses par rapport à une Nation et une armée qui, elle, se bat sur le terrain et perd chaque jour des soldats, et parfois, pour certains jours, des civils. Et donc, je ne dirai jamais que l'Ukraine a tout ce qu'il faut pour se défendre, parce que ça n'est pas vrai. Et n'oublions pas que depuis le début, nous sommes dans un cadre où nous avons décidé de ne pas être partie prenante de cette guerre. Cette guerre, elle est menée par les soldats ukrainiens seuls. Nous les équipons, nous les formons, nous les entraînons. Enfin, ils ont ce courage. Donc j'aurai toujours l'humilité, ici, de rappeler cela. Et donc ça n'est jamais assez, parce que tant que leur territoire est occupé et que leurs vies sont perdues, ils doivent se battre, et avec des pertes qui sont conséquentes.
Maintenant, pour la suite, je pense que le plus vite, le plus précis, et le plus pragmatique possible. La réunion d'aujourd'hui, ce sommet, a permis de rendre opérationnel beaucoup de décisions qui faisaient l'objet de discussions durant ces derniers temps. Maintenant, il faut accélérer. Il faut accélérer les discussions pour obtenir un cessez-le-feu. C'est ce qui est en train de se jouer en ce moment en Arabie saoudite. Je remercie une fois encore le Roi et le Prince héritiers pour leur travail. Et il faut accélérer, nous, notre capacité à financer, à délivrer des armes et à préparer le schéma d'armée ukrainienne et le schéma de forces de réassurance. C'est pourquoi, c'est dès les prochains jours de la mission que j'ai confiée aux deux chefs d'état-major, se déploiera. Et il nous faut quelques semaines pour cela. Je pense que d'ici 3 à 4 semaines, on aura sur ces deux questions, le format d'armée ukrainienne et les forces de réassurance, un schéma d'action assez précis avec les besoins, avec aussi les contributeurs. Et je pense que ce sera clé pour crédibiliser une paix solide et durable.
Journaliste
Bonjour. Deux questions très courtes. Quel est le rôle de la Roumanie, un petit pays en Europe, dans ce maintien de la stabilité de la région ? Et deuxièmement, quel est le rôle de la France aujourd'hui, dans le contexte où il y a beaucoup de médias qui parlent de la France et du Président de la France comme un rôle leader, même visionnaire, c'est pour enclencher ce cercle vertueux, donc maintenir la paix, mais aussi croissance économique, notamment pour investir et justement créer de l'activité économique en Europe ?
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. La Roumanie a un rôle très important parce qu'elle est aux avant-postes depuis le début. Et c'est d'ailleurs pour cela que deux jours après la guerre d'agression lancée en février 2022, nous avons déployé des forces françaises, là aussi, forces de réassurance, pour protéger le territoire roumain parce qu'il est à l’avant-poste.
La Roumanie a joué un rôle extrêmement important depuis le début, parce qu'elle est sur la mer noire, parce qu'elle a un rôle structurant sur la question du Danube et parce qu'elle a été un des acteurs clés des négociations sur la circulation des céréales. Et donc, je veux ici remercier les gouvernements successifs et Présidents roumains pour le rôle qui a été celui de la Roumanie à ce titre. Et donc, dans les actions qui ont été évoquées, à la fois sur la surveillance des conditions de cessez-le-feu, mais également pour soutenir une armée ukrainienne solide et durable, la Roumanie a un rôle et aura un rôle tout à fait important compte tenu de son voisinage et des choix très clairs qu'elle a toujours fait.
Ensuite, le rôle de la France, quant à lui, est clair depuis le début. Nous sommes un des pays fondateurs de notre Union européenne. Nous sommes un pays membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, doté de l'arme nucléaire, avec un format d'armée complète qui est aujourd'hui l'armée la plus efficace d'Europe. Ces rôles successifs nous donnent une responsabilité toute particulière qui est d'une part diplomatique, d'autre part d'essayer d'avoir un effet d'entraînement sur l'effort militaire conjoint, et puis d'avoir un effet d'entraînement aussi sur la stratégie économique qui suit. Et au fond, ce que nous croyons depuis plusieurs années, c'est que notre Europe a besoin de plus d'indépendance, technologique et économique, agricole et industrielle et militaire, dans le contexte géopolitique qui est le sien, et qu’il y ait une forme d'accélération de l'Histoire qui rend le constat que nous faisions, il y a quelques années, encore plus vrai, mais du coup les investissements à faire et les réorganisations à conduire encore plus urgentes.
C’est ce que nous sommes en train de faire. Et donc nous devons être aux avant-postes sur la question de l'Ukraine et de notre sécurité collective. Mais nous devons mettre la même intensité dans le travail pour notre compétitivité, pour notre réindustrialisation, pour notre innovation, notre agriculture et puis la défense des Européens eux-mêmes.
On prend une toute dernière question. Journaliste
Bonjour Monsieur le Président. Le Vice-Président de la Turquie participait au sommet. Quel rôle attendez-vous de ce pays dans les futures négociations, dans les accords qui pourraient se dessiner ? Et surtout, est-ce que le Président ERDOGAN, aujourd'hui, compte tenu de la situation intérieure et de l'arrestation du maire d'Istanbul, est en position de jouer un rôle vraiment actif dans ces futurs règlements qui pourraient arriver ?
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup. Je veux ici d'abord dire que nous respectons la Turquie, qui est un grand pays et qui a vocation à jouer un rôle important pour la sécurité et la stabilité de notre continent, en restant fidèle à sa propre histoire. Et c'est la raison pour laquelle nous avons toujours été soucieux de garder le dialogue avec Ankara, y compris pour expliquer nos différends. C'est la raison pour laquelle, et c'est souvent moi qui ai pris l'initiative, j'ai été régulièrement en contact avec le Président ERDOGAN ces derniers mois, y compris lorsque je me suis rendu d'ailleurs à Washington le 24 février dernier pour rencontrer le Président TRUMP et parler d'Ukraine, j'avais eu sur le chemin le Président ERDOGAN.
Sur l'Ukraine, vous avez raison de dire que la Turquie a un rôle à jouer, c'était l'objet de la présence du Vice-Président, parce que la Turquie a une responsabilité singulière en mer noire, et pour autant qu'elle le souhaite, elle peut être un acteur qui contribuera à cette paix durable. La Turquie, il ne faut pas l'oublier, a joué un rôle important pour aider à libérer les céréales et avoir des réponses très concrètes. Et son rôle en mer noire, reconnu par les traités et qui est une réalité, lui donne, si elle le souhaite, une responsabilité particulière pour donner des assurances de sécurité à l'Ukraine dans cet espace.
Cela étant dit, et puisque j'ai parlé de l'Histoire, je veux souligner que son histoire est aussi celle de son engagement européen et démocratique, au sein en particulier du Conseil de l'Europe, auquel elle a adhéré l'année de sa fondation, en 1949, et avec la fin du Parti unique au début des années 50. Chacun connaît les vicissitudes de ces 75 années, mais le caractère systématique des poursuites contre les figures de l'opposition, de la société civile, les atteintes à la liberté de s'informer et de rassembler. L'arrestation et la mise en détention du maire d'Istanbul constituent, de manière très claire, des atteintes et des agressions qu'on ne peut que regretter, au nom précisément de cette histoire et au nom précisément d'une certaine idée de la Turquie et de son rapport à l'Europe.
La Turquie a besoin de l'Europe et l'Europe a besoin de la Turquie, mais elle a besoin d'une Turquie qui assume ses responsabilités au titre de la sécurité européenne, mais qui continue d'être sur son chemin démocratique en respectant les engagements auxquels elle a souscrit. Et vous l'avez compris en vous disant cela, c'est un souhait ardent que je formule.
Merci à vous.
À bientôt.
Merci pour votre attention.
Les documents détaillés et les discours des participants à la réunion de Paris sur l'Ukraine sont disponibles sur le site officiel de l'Elysée : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2025/03/27/reunion-sur-la-paix-et-la-securite-pour-lukraine
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