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L'Otan va être mise à l'épreuve



Selon le vice-président américain élu, J. D. Vance, il n'est pas question pour les Etats-Unis de sortir de l'Otan. Mais la baisse prévisible de l'aide américaine à l'Ukraine va mettre sous pression la solidarité européenne.


Dans un court message de félicitations au nouveau président américain« avec lequel il se réjouit de travailler à nouveau pour faire progresser la paix grâce à la force de l'Otan », Mark Rutte, le secrétaire général de l'Otan, envoie deux signaux essentiels. D'abord il renverse la perception classique, selon laquelle ce sont les Etats-Unis qui volent au secours des Européens.


« Grâce à l'Otan, les Etats-Unis ont 31 amis et alliés qui contribuent à promouvoir les intérêts américains, à multiplier la puissance américaine et à assurer la sécurité des Américains », rappelle-t-il, en soulignant que les alliés de l'Otan représentent la moitié de la puissance économique et la moitié de la puissance militaire du monde.


Ensuite, il félicite « le fort leadership du président Trump lors de son premier mandat », ce qui lui permet de l'avertir que, lorsqu'il reprendra ses fonctions le 20 janvier, « il sera accueilli par une Alliance plus forte, plus grande et plus unie ». Et de rappeler immédiatement que, désormais, les deux tiers des Alliés consacrent au moins 2% de leur PIB à la défense, une ascension des dépenses militaires qui se poursuit.


Des menaces partagées


L'opposition des Républicains à l'aide accordée par les Etats-Unis à l'Ukraine est évidemment au coeur des craintes des Européens pour l'avenir de leur sécurité. Ils vont selon toute vraisemblance se retrouver bien seuls face à Vladimir Poutine, et devront s'organiser pour apprendre à se défendre eux-mêmes, une prise de conscience brutale qui remonte néanmoins à février 2022, lors de l'agression russe contre Kyiv. Aux Européens de monter en puissance et de construire le fameux « pilier européen » de l'Alliance atlantique. Rien n'est toutefois écrit avec Donald Trump, dont la logique est purement transactionnelle : donnant, donnant.


Et là, outre les pressions fortes qui vont peser sur les Européens pour qu'ils dépensent encore davantage dans le secteur de la défense et qu'ils achètent le maximum d'armement « made in USA », la valeur de l'Otan ne fera guère de doute pour le président américain, pour peu que l'Alliance s'aligne sur la doctrine américaine vis-à-vis de la Chine. Mark Rutte a d'ailleurs poussé d'un cran la rhétorique sur les relations avec la Chine en évoquant « le défi de la concurrence stratégique avec la Chine ou de l'alignement croissant de la Chine, de la Russie, de la Corée du Nord et de l'Iran » dans le message adressé à Donald Trump.


Le 27 octobre dernier, le vice- président élu J. D. Vance, farouche critique du président Zelensky, a affirmé que Donald Trump ne voulait pas quitter l'Otan et voulait une Alliance forte. « Mais il veut aussi que les pays assument leur part du fardeau », ajoutait-il. La vision de Donald Trump est simple : les Etats-Unis ne protégeront que les pays qui paient. En février, le candidat avait suscité l'effroi en déclarant qu'il encouragerait la Russie à faire ce que bon lui semble face à un mauvais payeur. A ce stade, tous les Européens sont désormais convaincus d'investir davantage dans la défense, donc cette question est facile à résoudre. La vraie difficulté portera sur la baisse radicale à prévoir de l'aide américaine à l'Ukraine. En réalité, les procédures bureaucratiques aux Etats-Unis sont telles que l'aide arrive déjà au compte-gouttes. En outre, Joe Biden n'a pas desserré l'étau sur les frappes à longue portée.


Cessez-le-feu


L'administration Trump serait encline à prévoir un cessez-le- feu sur les positions plus ou moins actuelles des deux armées et à plaider ensuite pour une Ukraine neutre, qui ne pourrait ainsi pas rejoindre l'Otan. Soit l'exact contraire des promesses faites à Kyiv jusqu'ici. Néanmoins, cela n'arrivera évidemment pas en vingt-quatre heures. Car il faudra négocier les garanties de cette neutralité : à défaut de l'Otan, cela pourrait être l'entrée dans l'Union européenne. Quels que soient les scénarios, l'Europe sera en première ligne face à une Russie qui menace son flanc est. L'enjeu est qu'elle ne se divise pas...


Pour rassurer sur la solidarité européenne dans ce contexte difficile, le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius a rencontré son homologue français Sébastien Lecornu mercredi soir à Paris. Ils ont réaffirmé leur volonté de travailler ensemble pour le pilier européen au sein de l'Otan. Ils ont proclamé la nécessité pour l'Europe de se réarmer, de coordonner ses contributions militaires à l'Otan, de pousser l'Europe a mieux protéger ses industries de défense et à concevoir ensemble l'armement du futur. Boris Pistorius a ainsi souligné que la France et l'Allemagne apporteront ensemble leur contribution au livre blanc sur la défense prévu début 2025 à Bruxelles pour mettre en oeuvre une politique industrielle de défense ambitieuse. « Les Européens ont besoin d'objectifs clairs, la liberté et la sécurité du continent en dépendent », a-t-il promis, annonçant une réunion prochaine pour discuter du détail du soutien à l'Ukraine.


par Anne Bauer

vendredi 8 novembre 2024

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