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Merci La France

Cette guerre dépasse les frontières de l’Ukraine. Cette guerre est le rendez-vous de l’occident avec lui-même.




C’était un jeudi comme un autre, un 24 février banal dans notre hiver blanc, et le monde a basculé. C’était il y a un an. Et cet anniversaire se fête avec une bougie allumée à coups de missiles et d’obus sans que personne ne sache comment la souffler. Oui, le monde a chaviré, le mien, le nôtre, le vôtre aussi. En un instant la vie n’a plus le même sens : soudain je suis le peuple, je suis ma patrie, je suis l’Ukraine, et surtout je suis la liberté, j’ai envie de crier « Au secours, ils reviennent ! ».


Ne faire qu’un avec le pays est devenu notre évidence, notre combat, chacune et chacun à sa place. À quelques kilomètres de cette Europe qui nous attend, le cauchemar ne se déroule pas comme une suite de reportages télévisés, c’est un réel dont la tragédie nous accompagne jusque dans les détails les plus intimes. Un an et ces images ne me quittent pas : le regard effaré de ma fille, la douleur des familles, des amis, puis le visage de ces hommes serrant les dents avant de partir pour des horreurs oubliées depuis 1945, pour des tranchées que l’on croyait à jamais comblées en 1918, avec ce mot, compagnon invraisemblable : le front. Les sirènes, le fer, le feu, le sang sont entrés sans prévenir dans le quotidien de 45 millions d’âmes dont un tyran a décidé l’annexion. Plus qu’au réveil des soubresauts du vingtième siècle, nous assistons au retour sidérant d’une barbarie médiévale fondée sur la conviction d’une supériorité puisée dans les oripeaux de Pierre le Grand et autorisant toutes les atrocités menant au génocide.


Car il s’agit bel et bien d’un génocide. Combien sont-ils ces enfants arrachés à leur famille, ces déportés de l’obsession d’un potentat dont la population s’étiole, prêt à voler l’innocence pour repeupler son pays à la dérive ? Se servir dans les caisses de sa ressource pétrolière ou gazière ne lui suffisait pas, nous voici parvenus au pire des crimes : la planification d’un enlèvement collectif, du rapt organisé de nos filles et de nos fils. Cette ignominie me fait pleurer, tous les jours. La géopolitique demeure, les enjeux économiques sont là, évidemment. Les menaces de tous ordres appellent à la prudence, cela se comprend. Les gesticulations de diplomates galonnés ou de militaires en mal de reconnaissance de leur chef suprême provoquent l’inquiétude, parfois la peur de voir s’ouvrir les portes de l’apocalypse. Pour nous la réalité est plus banale, et plus triste : notre peuple tient bon, nos soldats luttent, les pieds dans la boue contre des assassins sortis des prisons par des chefs qui finiront par y entrer.


« La guerre c’est moche ». Ici nous répétons cette phrase devant nos écrans, ils nous la montrent à heure fixe, et nous sommes encore à l’abri du fracas des obus, des cratères de missiles et des hurlements des malades massacrés dans les hôpitaux devenus cibles innocentes ou des élèves dont les écoles s’effondrent. La France m’a accueillie, comme tant d’autres femmes jetées sur les routes par cette guerre qui transforme la vie de chacun de nous en « opération spéciale ». L’inventeur de la formule ne sait rien de nos souffrances réelles mais nous n’oublierons pas, à l’heure des comptes.


Merci la France, merci d’avoir, dès le premier jour éclairé nos routes grâce aux lumières qui ont fait triompher l’esprit de liberté, qui ont inventé l’exigence démocratique et le respect de la personne humaine. Merci à tous ceux qui non seulement m’ont ouvert leur porte et leur cœur mais qui se mobilisent chaque jour pour aider mon pays à lutter, à se rebâtir et surtout à retrouver ses enfants volés. C’est la vocation de la fondation créée par Walter Butler « Unis pour l’Ukraine », elle fédère les énergies, réunit des fonds, et agit au quotidien pour faire revenir nos petits à la maison. Merci à lui et à tous ceux qui l’ont rejoint ou le rejoindront.

Une année de guerre et le risque serait de s’en faire une raison. D’aucuns parlent de négociation, de la nécessaire prise en compte d’intérêts géostratégiques supérieurs. Cette guerre dépasse les frontières de l’Ukraine. Cette guerre est le rendez-vous de l’occident avec lui-même. J’entends parfois des doutes sur la pertinence de nos valeurs, comme si elles ne correspondaient plus vraiment à l’époque. Pour en mesurer le prix je propose aux sceptiques d’aller à Kharkiv, à Bakhmout, à Kherson ou à Marioupol. Tous ceux qui se font tuer pour elles meurent pour nous. Le temps est parfois l’ennemi de la détermination. Un an, c’est long et l’on ne voit toujours pas le bout du tunnel. Mais nous devons échapper à la lassitude, à la résignation. Notre avenir est lié, et notre courage a besoin du vôtre. La première arme indispensable pour nous mener à la victoire est la certitude que nous faisons partie du même monde, celui de la liberté, cet espace sacré menacé de viol. Nous le protégerons en restant unis et solidaires. Pour tout ce qui a déjà été réalisé et pour ce qui nous attend encore, Merci la France.


Oxana Melnychuk,

directrice des projets de l`association Unis pour l`Ukraine.

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